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Rencontre professionnelle autour de la mise en scène

Rencontre organisée le 5 décembre 2016 à l'Académie Royale de Belgique, par le Service du Cirque, des Arts forains et de la Rue

 

L’objectif de l’événement était d’enrichir la réflexion sur la mise en scène en arts du cirque et de la rue mais aussi de permettre l’échange entre professionnels. C’est pourquoi nous n’avions pas voulu cibler uniquement des intervenants spécialisés dans ce secteur. Nous souhaitions élargir le cadre à un moment où les créations sont de plus en plus interdisciplinaires.

Une soixantaine de personnes se sont donc réunies à Bruxelles pour évoquer cette notion de mise en scène. Le public était essentiellement composé de professionnels du secteur (artistes, programmateurs…) mais aussi de personnes actives dans les arts de la scène au sens large.

 

La séance a débuté par une courte introduction par Amélia Franck, Responsable du Service du Cirque, des Arts forains et de la Rue, qui a ensuite cédé la parole aux intervenants de la matinée qui ont chacun partagé leurs expériences.

Professeure au sein de la Faculté de philosophie et lettres de l’Université de Liège, Nancy Delhalle a traité dans son intervention « Perspectives sur la mise en scène : un art en recherche » de l’histoire et de la signification de cette notion.

Fabrice Murgia, Metteur en scène et Directeur du Théâtre national, a partagé son expérience de mise en scène de différents types de spectacles et notamment Daral Shaga comme une exploration des possibles entre le cirque et l’opéra.

Geneviève Voisin, Responsable artistique de la Compagnie Ah mon amour !, a témoigné de façon personnelle et pragmatique de la problématique de la corrélation entre les désirs artistiques et les réalités de production du secteur, ou comment créer en tenant compte des contraintes.

Après la pause, Charlotte Charles-Heep, Directrice du festival de Chassepierre, a développé sa vision de programmatrice sur la mise en scène pour la rue, particulièrement des caractéristiques et réalités de conception de médiation et de diffusion.

Philippe de Coen, Directeur artistique de Feria Musica,  a évoqué son expérience des grandes formes circassiennes et le travail avec différents metteurs en scène. Ce fut également l’occasion de revenir sur son parcours et celui de la compagnie dont l’aventure se termine en 2017.

C’est la Directrice artistique de l’Espace Catastrophe, Catherine Magis,  qui clôtura la matinée avec une approche et une vision spécifiques du travail pour la mise en scène de spectacle de cirque mais aussi sa pratique de metteuse en scène et d'accompagnatrice au plateau de projets circassiens.

 

L’après-midi fut consacré à des échanges entre professionnels sur 4 sujets prédéfinis.


« Spectacle tout-terrain, 4x4 du théâtre contemporain » avec Stéphane Georis, Directeur artistique de la Compagnie des Chemins de Terre.

Si le théâtre/spectacle/cirque est sensé nous transporter ailleurs, le défi est là : comment emmener un public (dès la conception du projet) en un temps donné (ou imaginaire) alors que l'ICI et le MAINTENANT sont on-ne-peut plus présents ? C'est l'adaptabilité. Les artistes ont pour charge d'emmener les spectateurs en un univers propre, en se trouvant n'importe où, n'importe quand sans les artifices du théâtre en salle qui sont boîte noire, décor, lumière, etc... 

D’autres notions clés ont été envisagées comme la LÉGÈRETÉ/SIMPLICITÉ, l’UNIVERSEL (langues, âges, cultures,...), ou la place de l’IMPROVISATION. Beaucoup de choses impactent également le spectacle : la qualité d’écoute, l’accueil fait au public, le passage du chapeau, la compréhension de l’humour par d’autres cultures… L’autonomie est visée par un grand nombre d’artistes de ce secteur. Pour tous, il est important de pouvoir accepter et accueillir l’incident : hors les murs de la salle, rien n’est acquis.

 

« Comment accompagner la mise en piste et en espace public dans les lieux de création ? » avec Olivier Minet et Florence Godart, Directeur et chargée de résidences à Latitude 50.

Afin de nourrir la réflexion autour de cette question, les soutiens proposés aux compagnies par des lieux de création cirque et rue situés à l’étranger ont été explorés. Les outils mis en place s’articulent principalement autour de l’accompagnement du processus créatif. Les soutiens sont nombreux, mais peu des lieux opèrent sur le terrain de la mise en piste. Ils soutiennent les projets par le biais de services tels que la mise à disposition d’espaces, la mobilisation des réseaux professionnels, l’organisation de bancs d’essai, le suivi dans la méthodologie de recherche artistique, la coproduction, etc. 

Est-ce le rôle d’un lieu de création d’accompagner la mise en scène ? L’œil de ces structures doit-il s’immiscer au cœur de la création ? Si la réponse va clairement dans le sens d’une non-intervention des lieux de création dans le travail de mise en scène, ils ont néanmoins un rôle à jouer. Ne serait-ce que d’amener les artistes à s’interroger et à faciliter l’accès à des personnes ressources. Leur travail de médiation est essentiel et, dans ce cadre, la constitution de groupes de public « test » pourrait être intéressante pour les artistes. Au-delà des outils offerts précédemment cités, le dialogue est important lors de la période de création, ces lieux peuvent donc également aider à garder une ligne en cas de doutes.

 

« Rôle de la mise en scène dans le rapport au public » avec Didier Balsaux et Julien Collard, respectivement Directeur artistique et comédien de la Compagnie Les Royales Marionnettes.

Le parcours de l’artiste de rue n’est pas une conséquence mais un choix, en ce compris historiquement. Affirmer cela c’est se singulariser. C’est faire des choix de mise en scène en adéquation avec un choix librement consenti. Le rapport au public est éminemment différent selon le lieu de représentation envisagé et la présence ou non du 4e mur. Sera-t-il perméable ? Quelle distance instaurer avec le public ? Quels sont les codes de lecture à transmettre ? Avec quelle scénographie ? Le travail de mise en scène tient compte de ces possibilités. Une véritable réflexion préalable sera impérative si l’on souhaite pouvoir se produire dans espaces variés.

La question du rapport au public se pose de façon plus évidente en rue mais qu’entend-on par rue aujourd’hui lorsque les principales occasions de représentations sont en festival ? Alors que le nombre de ceux-ci ne cesse de diminuer. De nouveaux circuits de diffusion et mode de financement sont à inventer. L’un des risques pour les spectacles d’aujourd’hui est celle d’opter pour une proposition artistique molle sous prétexte de trouble à l’ordre publique. Ce n’est pas la même chose de considérer la rue comme étant le cadre de l’accessibilité à la culture, que de la considérer comme le cadre de l’accessibilité en tant que forme artistique plus « facile ».

 

« Attentes des artistes créateurs auteurs envers un metteur en scène, regard extérieur » avec Vladimir Couprie de la Compagnie Carré Curieux, Cirque Vivant ! et France Perpête, Directrice artistique de la Compagnie Baladeux.

L’une des spécificités du secteur est que le metteur en scène est rarement à l’initiative d’un spectacle mais plutôt amené à travailler sur le projet d’une compagnie qui fait appel à lui. Qu’attend-on de lui ? Qu’est-ce qui préside à ce choix important ? Comment peut fonctionner l’équipe avec cet apport extérieur ? Chaque processus de création est unique. Les chemins et les écritures sont diverses mais il est essentiel que les créateurs définissent bien ce qu’ils attendent du metteur en scène.

Le choix de cette personne est principalement guidé par le facteur humain, la capacité à se faire confiance et à échanger. L’artiste ne donne le meilleur de lui que lorsqu’il est convaincu par ce qu’il fait. Le metteur en scène fait partie du processus mais doit également être capable de prendre le recul nécessaire. Ce travail étant celui d’un équilibriste, la création collective ne semblait pas convaincante pour de nombreux participants. Même s’il ne s’agit que d’un regard extérieur, faire appel à d’autres professionnels permet d’ouvrir le champ, d’enrichir sa technique et son vocabulaire.

 

C’est Anne-Rose Gillard, chargée de recherches à l’Observatoire des Politiques culturelles et qui avait notamment mené le portrait socioéconomique du secteur en Fédération Wallonie-Bruxelles, qui conclut cette riche rencontre. 

Les profils étaient diversifiés et le dialogue constructif. La mise en scène est un art en évolution constante et la perméabilité des formes artistiques de plus en plus importante. On retiendra que si la confrontation entre les rêves et les contraintes économiques sont bien réelles, différentes réponses sont possibles.

Passion, patience, discernement, débrouillardise.

Encore merci à tous les intervenants et participants.